Languedoc (TNO Rivière-Ojima) | Une municipalité, une histoire
14 novembre 2025
Languedoc (TNO Rivière-Ojima)
Languedoc est officiellement un TNO. Un territoire non organisé. Or, ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas organisés sous la forme d’une municipalité, qu’ils ne sont organisés tout court! Parlez-en à Linda qui organise la fête annuelle au village et qui voit l’événement grossir avec le temps et le bouche-à-oreille. Parlez-en aux citoyens qui se sont organisés pour faire ralentir le trafic de camions lourds au village pour plus de quiétude et de sécurité. Parlez-en aux 17 membres du Cercle des fermières de Languedoc qui organisent leurs soirées de tricot, de couture ou de tissage d’une manière si plaisante, que des femmes des villages voisins font la route pour se joindre à elles. Finalement, parlez-en à tous ceux qui organisent leur chasse à l’orignal et leur pêche à la truite minutieusement durant des jours ou des mois pour revenir victorieux et remplir le congélateur. Il n’y a pas de dépanneur à Languedoc, mais Jade ramasse ses tisanes dans les sous-bois et fait son propre savon. La viande d’un jeune producteur agricole du rang 6, elle est dans son champ et elle meugle un beau bonjour quand vous passez. Languedoc compte une vingtaine de maisons, dont cinq familles de parenté Cloutier et deux familles Pagé. Le village qui est né tardivement en 1949 en accueillant des citoyens en provenance de Rimouski, a déjà eu 300 familles, une grosse école primaire, une église, un dispensaire et plusieurs commerces. Après le déclin de population et de services des années 70 et 80, Languedoc s’est fait une raison. Il a su se serrer les coudes, recomposer son identité et joue actuellement pour conserver ses acquis, mais dans le plaisir. Bref, c’est un TNO, mais bien organisé!
Pour faire tenir le Cercle des fermières de Languedoc bien actif malgré le peu de population, elles ont non seulement des membres ici et dans les villages voisins (principalement Authier), qui prennent plaisir à répondre à l’appel, mais elles ont aussi des membres supporteurs. Oui, des femmes qui ont vécus jadis dans la localité, mais qui sont aussi loin que Montréal ou en Ontario aujourd’hui. Elles entretiennent un lien fort avec leur village natal et contribuent à maintenir le dynamisme de ce dernier par des moyens comme ceux-ci. Vous aurez compris d’où viennent une partie des participants des anciennes fêtes champêtres musicales qui ont fait courir les foules, il y a quelques dizaines d’années. L’actuelle fête au village vit le même effet boule de neige avec les années. Le sentiment d’appartenance, c’est fort. Surtout quand c’est entretenu, même à distance.
Historiquement, quelques personnes ont trouvé de l’emploi aux Serres coopératives de Guyenne, à 15 minutes en voiture, mais la plupart travaillaient plutôt dans les métiers issus de la foresterie. C’était le cas de Louis-George Deschênes qui possédait la machinerie pour récolter des arbres sur plusieurs lots. Beaucoup de camions chargés de bois en longueur passent toujours par Languedoc depuis plus de 50 ans afin d’être acheminés vers les scieries. L’anecdote des années 1990 de Léopold, l’aveugle du village est éloquente à propos de la sécurité. Léopold se débrouillait bien malgré sa cécité. Le village savait sa condition et tentait de demeurer vigilant pour éviter des pépins. Un bon jour, le sympathique non-voyant se décide à traverser la rue, jugeant qu’il avait amplement le temps à cause du bruit lointain d’un gros camion. Il s’avance. Peu de temps après, il entend un autre camion venir en sens inverse et qui le klaxonne. Confus dans le bruit de ces deux camions qui arrivent, il fige sur place. Résultat : il s’était arrêté sur la ligne jaune au milieu de la chaussée et les deux camions se sont croisés à sa hauteur sans le toucher. Juste brassé par le courant d’air. Ouf! On a eu peur pour lui. Évidemment, lui aussi. Cela a ouvert les yeux des résidents du village sur l’importance encore plus grande du « prendre soin » et des notions de sécurité. On prend soin du Centre communautaire qui est dans l’ancien presbytère, en bourrant le poêle pour faire une bonne attisée. On prend soin des trois jeunes familles qui sont la relève du village, en leur donnant des tapes dans le dos. On prend soin du sentiment d’appartenance, même de loin. On prend même soin de se dire que s’il y avait un vignoble à Languedoc, on pourrait vendre les bouteilles à prix d’or parce qu’on a le même nom que la grande et réputée région viticole du sud de la France. Faudrait mettre la jeune cueilleuse Jade Plamondon sur le coup. Toutefois, admettons qu’on a davantage le climat pour faire de la bière d’épinette. Une boisson dont l’odeur rappellerait celle qu’a pu sentir Léopold quand les deux camions pleins de conifères l’ont dépeigné. Sur l’étiquette : Bière d’épinette du Languedoc… une odeur qui décoiffe!
Un texte de Guillaume Beaulieu
Ce projet a été réalisé grâce au soutien financier du ministère de la Culture et des Communications.


